Nourritures virtuelles
Notre repas entre ami(e)s était presque terminé et le serveur du petit restaurant bien sympathique commençait à montrer des signes de fatigue. Sur notre table s'entassaient les reliefs de notre soirée bien animée :
Les aventures de la fille de Marie, qui en bonne mère célibataire avait du mal à cadrer sa progéniture, - nous lui avons donné pleins de bons conseils, qu'elle ne suivra sûrement pas et tant mieux ; les déboires de Jean avec le service après-vente de chez Tardy pour obtenir le remplacement de la poignée du tournebroche d'un four encore sous garantie, - il nous a bien fait rire avec son histoire ; les malheurs de Sophie, eh oui, avec son patron, qui est aussi son amant, mais qui en pince également pour la nouvelle DRH qui vient de débarquer de New York avec son charmant petit accent amerloque, qu"elle cultive avec autant d'acharnement que celui qu'elle a employé à faire savoir à tout le monde qu'elle était fraîchement divorcée et que son ex était resté aux States avec une esthéticienne portoricaine qui lui a fait découvrir son côté "femme dans l'homme", - nous avons tous écrasé une larme de fou rire retenu avec peine ; Jean-Pierre m'a dit bien fort, qu'il visitait régulièrement mon blog et qu'il avait bien ri à la phrase où "tu sais, ce truc sur la certitude qui dure longtemps, c'était comment déjà, bon, peu importe, mais c'était vraiment marrant" ; du coup sa nouvelle "compagne", Margie, ça doit être l'abréviation de Margarine, m'a fait subir, sous l'oeil goguenard de Jean-Pierre, une attaque en règle "Ah tu fais un blog ! C'est par narcissisme ou parce que tu crois avoir quelque chose à dire, etc. etc.", - j'ai réussi à garder mon sang froid ; tout cela mélangé avec les critiques des derniers films vus, des derniers livres lus, et, bien sûr, avec Madeleine qu'il a fallu retenir quand, après trois verres, elle voulait absolument nous refaire son numéro de Liza Minelli dans Cabaret en dansant sur la table, - mais nous n'étions pas les seuls clients ce soir, et, de toute façon, je n'ai pas souvenir que Sally Bowles dansait sur les tables.
Il était donc l'heure de se quitter. Entre temps le serveur avait desservi en baillant discrètement et la division de l'addition s'était faite sans encombres.
Nous nous dirigions vers la sortie en passant devant le comptoir, quand le serveur s'adressa à moi en me tendant un sac en papier assez volumineux : "Tenez monsieur, je vous ai préparé votre bloggy bag !"