Hugo, le Boss
Le problème principal des révolutions de type "démocratique", c'est le manque de temps. Bien sûr, il est facile de nationaliser vite fait les entreprises qui rapportent le plus pour pouvoir financer les réformes économiques et sociales nécessaires à une répartition plus juste des richesses du pays. Il est relativement aisé de mettre sur pied une propagande efficace, de désigner quelques boucs émissaires, et de se maintenir ainsi au pouvoir pendant deux ou trois législatures. Mais le problème du temps persiste douloureusement, pour la simple raison, que le visionnaire de la révolution, dans l'acception globale du terme, ne peut se contenter de l'alternance démocratique, car la bourgeoisie revancharde prépare déjà, dans l'ombre moîte de ses ambitions malsaines, le démantèlement des acquis de la révolution et la restauration de ses privilèges. Ceci est intolérable, car la seule révolution qui vaille est celle des mentalités, ces mentalités dévoyées par un système pervers basé sur l'exploitation, sur l'égoïsme, sur la concurrence acharnée et impitoyable. C'est pour changer ces mentalités qu'il faudra du temps, car pour transformer un agglomérat d'individualistes petit-bourgeois en nation cohérente où chacun trouve sa place dans l'échange et l'altruisme, sur la base d'un idéal de bonheur commun pétri de générosité et de tolérance, il ne suffira pas d'une période de dix, voire de quinze ans, et cela toujours sous la menace démocratique de la prochaine échéance électorale. Une célèbre psychanalyste disait qu'il fallait "trois générations pour faire un fou". Pour faire changer les mentalités, pour faire advenir "l'homme nouveau", tant décrié par les adeptes d'une soi-disante liberté individuelle, il faudra certainement plus de temps encore.
Les questions qui se posent alors à tout révolutionnaire, qu'il soit bolivarien, guevarien, ou rien tout court, sont les suivantes : Le temps est-il un allié objectif de la révolution ou fait-il partie des ennemis de classe ? Est-il théoriquement envisageable de créer un système démocratique révolutionnaire sans alternance possible ? Et, last but not least, la tentation de la justification démocratique ne serait-elle pas la conséquence d'une vision idéologique qu'essaient de nous imposer nos ennemis intérieurs et extérieurs ?