Match nul ?

M'hammed, le combattant, s'était couché ivre de fatigue et de fierté. Dans la journée, il avait posé devant cette photographe blonde, qui venait d'un pays qu'il ne connaissait pas. On l'avait déguisé en soldat ennemi avec ce casque d'une lourdeur insupportable qui lui écrasait le crâne, cette carapace pour arrêter les balles qui pesait une tonne, le treillis bizarre repérable à trois kilomètres à la ronde et qui l'avait fait transpirer à grosses gouttes, et ce fusil que l'homme qui était venu avec la blonde avait appelé "le FAMAS", en lui demandant de le tenir bien en vu. Après la séance photo, M'hammed s'était empressé de retrouver, derrière un rocher un peu à l'écart, sa tenue habituelle de guerrier afghan et surtout la kalachnikov que son père lui avait offert pour ses quinze ans. Maintenant, au coeur de la nuit, un cauchemar le fait gémir dans son sommeil. Il se voit encerclé par des soldats américains, immenses avec leurs armures de joueurs de baseball, leurs M16 pointés sur lui. Mais quand il s'apprête à tirer sur ces monstres, sa kalachnikov se transforme en FAMAS, il tire, tire, tire, des rafales sans fin, mais ces diables approchent toujours et il se rend compte que le magasin de son FAMAS ne contient que des cartouches à blanc. Il se réveille dans un cri de rage désespéré, avec à l'esprit très clairement un mot dont il ne comprend pas le sens, mais qu'il répète plusieurs fois à voix basse en remuant à peine les lèvres : Carcassonne, Carcassonne, ...